Quand la forêt ivoirienne disparaît

Forêt du Banco à Abidjan ©Christian Metge

La Côte d’Ivoire a l’un des taux de déforestation les plus élevés au monde. Largement causée par l’exploitation agricole, cette situation a aussi des conséquence sur l’activité des planteurs de cacao.

« Là-bas, nous passions le plus clair de notre temps, entre jeux de cache-cache et parties de chasse avec mes amis, c’était le bon vieux temps », se souvient avec nostalgie Aimé Taho, un commerçant de Man, le visage ridé par sa soixantaine d’années. Aux abords de la grande ville ivoirienne de l’ouest, il pointe du doigt au loin des champs de cacao qui ont remplacé la forêt de sa jeunesse.

Depuis près de soixante ans, la région de Man, connue pour ses nombreuses montagnes et l’une de ses forêts appelée Gbêpleu, est victime de la déforestation, tout comme le reste de la Côte d’Ivoire. Le couvert forestier national a perdu 85% de sa superficie de 1960 à 2022 (16 millions d’hectares à 2,5 millions) selon le ministère des Eaux et Forêts.

« Le succès de ce pays repose sur l’agriculture », disait le premier président ivoirien, Félix Houphouët-Boigny. Il veut en faire un pilier de l’économie. Grâce à des politiques incitatives à partir des années 1960, la Côte d’Ivoire est devenue le leader mondial de production de cacao (40% de part de marché) et deuxième producteur de café.

Cette révolution agricole n’est pas sans conséquence sur la forêt qui doit faire de la place aux champs de cacaoyers. L’agriculture est ainsi responsable à 62%  de la destruction du couvert forestier dans le pays. Selon Fulgence Kouamé, planteur de cacao dans la ville de Soubré, dans le sud-ouest du pays, les planteurs préfèrent, faute d’argent, brûler les arbres plutôt que d’avoir recours à une entreprise de coupe de bois.

Des coopératives qui n’aident pas assez

« Nous ramassons des branches sèches, puis nous entourons les arbres avec ces branches et mettons le feu », explique-t-il, « nous faisons des feux localisés pour éviter d’avoir des feux de brousses ou de diminuer la fertilité du sol à cause de l’intensité du feu ». L’homme assure que cette méthode est pratiquée par la majorité des planteurs.

Selon lui, cette situation n’est pas prête de s’améliorer. « Il existe des coopératives censées nous aider à mieux défricher les forêts et à mieux vendre notre cacao », rappelle Fulgence Kouamé, « mais elles souffrent de problèmes de gestion, et sont de véritables sangsues qui profitent de nous ». Résultat, de plus en plus de planteurs préfèrent ne pas adhérer à ces coopératives, ce qui ne permet pas à la filière de se professionnaliser.

La déforestation est l’une des causes de l’aggravation du changement climatique. Car les arbres, via le principe de la photosynthèse, captent le dioxyde de carbone, une de sources du réchauffement climatique. Parmi ses conséquences, un dérèglement de la pluviométrie.

Planteur depuis maintenant trois décennies à Soubré, Jérôme Zokou, une daba au cou et ses bottes aux pieds, constate que le changement du climat a un impact sur la quantité et la qualité des récoltes. « Si la pluviométrie est insuffisante à chacune de nos deux récoltes annuelles, les champs produisent moins, et la taille des grains de cacao est réduite, et donc de moindre qualité », explique cet homme qui possède dix hectares de plantation. Conséquence : une diminution du prix du cacao acheté sur place.

L’agriculture n’est pas la seule cause de déforestation en Côte d’Ivoire. D’après un rapport du ministère des Eaux et Forêts de 2017, en plus de l’agriculture (62%), l’exploitation forestière (18%) et l’extension des infrastructures (10%) sont mises en cause.

Christian Metge



Christian Metge est ivoirien. Ingénieur informaticien de formation, il est passionné par la littérature et le journalisme multimédia. Il dispose de quatre années d’expérience en tant que développeur web.

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